Histoires noires et fantasques

Une affaire manquée.

Il savait qu’il ne pourrait tenir longtemps, mais il avait eu le temps de réfléchir et de se préparer avec minutie. Sa résolution était prise, il allait leur montrer à ces crétins, de quoi lui Sam était capable. Tout était prêt jusque dans les moindres détails.

Maintenant il attendait dans le noir. D’un geste sensuel, ses doigts, parcouraient machinalement les arabesques gravées sur la chambre de son fusil. C’était un vieux modèle, auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux. Il actionna deux ou trois fois la culasse comme pour en vérifier le fonctionnement, mais il savait que dans le fond ce n’était pas nécessaire: les pièces du mécanisme, parfaitement huilé, s'emboîtaient à la perfection. Elles produisaient un claquement doux et visqueux qu’il adorait. C’était pour lui une musique qui non seulement chassait son appréhension mais lui procurait un sentiment de puissance proche de la jouissance.

Le temps aurait semblé immobile s’il n’avait été rythmé par le «flop, flop» obsédant des gouttes d’eau qui s'échappaient de l’un des réservoirs et qui tombaient sur un bout de  tôle avec une régularité d’horloge. Il s'aperçut que la sonorité de l’impact n’était pas toujours la même: il se formait une mélodie de trois, non, quatre notes aléatoires, sur lesquelles on eût pu chanter une bonne demi-douzaine de refrains différents. Inconsciemment, avec un sang froid étonnant, Sam se prêtait au jeu sans se laisser distraire pour autant. Tous les sens aux aguets il écoutait et observait  la campagne nocturne à travers l’étroite meurtrière.

Il faisait chaud et l’odeur d’herbe sèche portée par le vent du sud venait à lui par bouffées. Peu à peu, le temps couvert au début de la nuit mais qui n’avait pas donné la moindre goutte de pluie se dégageait et on voyait à présent, dans un ciel de velours, les nuages ronds, aux franges argentées, passer à toute vitesse devant une lune jaune et béate. Tout était parfaitement calme et serein et il se demanda avec une certaine impatience combien de temps ce silence allait durer.

C’est alors qu’il les entendit.  

 

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